CAPSULE VIN - Dimanche 7 avril 2024
Côte-Rôtie
Bonsoir à vous.
Ce soir, j’ai le goût de discuter de la région de Côte-Rôtie dans le Rhône septentrional. Une région qui procure, j’en suis conscient, des vins dispendieux, mais qu’il faut découvrir dans l’instant si court d’une vie.
Situé la plus au nord, cette appellation décrétée en 1940, se veut être l’une des plus vertigineuse sur des sols granitiques et schisteux qui procurent des vins d’une très grande finesse. Localisé à une quarantaine de kilomètres au sud de Lyon, en bordure orientale du Massif central, le vignoble est installé sur des coteaux très escarpés surplombant la rive droite du Rhône et faisant face à la partie sud de la ville de Vienne. Ce relief, impressionnant dans son ensemble, offre un paysage contrasté, en fonction des interventions de l’homme cherchant à l’apprivoiser afin de le mettre en valeur de façon optimale. La zone géographique est ainsi délimitée sur trois communes du département du Rhône, Ampuis, Saint-Cyr-sur-Rhône et Tupin-Semons.



Les vignes de « Côte Rôtie » sont probablement parmi les plus anciennes de la vallée du Rhône. Les preuves d’antériorité de leur implantation abondent, notamment sur le site archéologique de Saint Roman-en-Gal jouxtant le vignoble de « Côte Rôtie » et réputé pour ses nombreuses mosaïques exhumées des vestiges de villas romaines. Parmi ces œuvres picturales, l’une représente une scène de vendanges et de foulage du raisin ainsi que l’empoissage d’une jarre (mosaïque du calendrier agricole-début du IIIème siècle, musée de Saint-Germain-en-Laye - Provenance Saint-Romain-en-Gal). En effet, à l’époque le vin est résiné et de ce fait qualifié de « picatum » (poissé) et connu sous le nom d’Allobrogica.
Le développement initial du vignoble de cette région est donc probablement lié à la paix romaine qui permet aux Allobroges dont le territoire englobe une partie de la rive droite du Rhône, en face de Vienne, d’acquérir la citoyenneté romaine et par la même, le droit de planter de la vigne. L’Allobrogica est très en vogue au début du siècle des Antonins (IIème siècle après JC). En revanche, au Moyen-Âge, ces vins de la vallée du Rhône ont des difficultés pour gagner le Nord de la France en raison de droits exorbitants exigés par les villes traversées, riveraines du Rhône, notamment Lyon et Mâcon. (R. DION – Histoire de la vigne et du vin en France). Pour contourner cet obstacle, le XVIIème siècle voit se développer le commerce des vins de la vallée du Rhône qui gagnent Paris en remontant cette fois le cours de la Loire. En effet, au niveau de Condrieu, la vallée du Rhône n’est séparée de celle de la Loire que par une distance d’environ quarante kilomètres, franchissable par une partie peu élevée du massif du Pilat. Plus au nord, les canaux de Briare et de Loing permettent de relier La Loire à la Seine pour entrer dans Paris.
À cette période « Côte Rôtie » prospère, mais, à partir du XIXème siècle, les difficultés se succèdent. Le phylloxera commence par détruire une grande partie du vignoble, Puis la première guerre mondiale, et enfin l’industrialisation de la vallée du Rhône, réduisent de manière drastique la main-d’œuvre pourtant indispensable pour travailler ces coteaux escarpés qui ne laissent que très peu de place aux attelages ou à la culture mécanique. Au cours du XXème siècle, le vignoble manque ainsi de disparaître. Il faudra attendre les années 1960 pour voir le début de la renaissance du vignoble de « Côte Rôtie ». En 2010, la vigne a retrouvé sa place et occupe les surfaces qui existaient avant la crise phylloxérique.
La majeure partie de l’encépagement est constituée par le cépage syrah N ou « sérine » ou « seriné », cépage emblématique de ce vignoble. Déjà en 1921, l’encyclopédie RORET précise que « la seriné noir, corbeille noire ou damas noir, domine dans le célèbre vignoble de Côte Rôtie ». En outre, les tests ADN (JM. BOURSICOT - INRA de Montpellier) ont depuis démontré avec certitude l’origine rhodanienne du cépage syrah N issu des cépages mondeuse B et dureza N. La proximité du vignoble de l’appellation d’origine contrôlée « Condrieu », qui connaît la même situation avec le cépage viognier B, explique d’ailleurs en partie les usages qui, de tout temps, ont permit la plantation de ce dernier dans le vignoble de « Côte Rôtie ». Des vins blancs de « Côte Rôtie » sont même élaborés au début du XVIIème siècle, production qui, cependant, est rapidement abandonnée, compte tenu de la proximité des vins prestigieux des appellations d’origine contrôlées « Condrieu » et « Château-Grillet ». La présence historique du cépage viognier B dans l’encépagement témoigne de cette production.
La renommée du vignoble de « Côte Rôtie » est essentiellement construite autour de la réputation de deux vallons. L’encyclopédie RORET (1921) révèle, à propos des vins de l’arrondissement de Lyon :« Les vins rouges les plus estimés se récoltent dans la commune d’Ampuis qui se divise en deux parties appelées Côte brune et l’autre Côte Blonde ». De même, l’Atlas de la France vinicole L. LARMAT dessine une carte du vignoble sur laquelle apparaissent, outre les lieux-dits cadastrés, les dénominations de « Côte Blonde » et « Côte Brune » séparées par le ruisseau de Fontgent. Parmi les nombreuses légendes entourant l’origine de la réputation de ces deux « Côtes », l’une donne une explication poétique. Elles seraient prétendument dénommées ainsi par un seigneur d’Ampuis qui avaient deux filles, l’une brune, l’autre blonde. Une autre, plus scientifique, explique cette différenciation par l’origine géologique du substrat dans lequel ce vignoble plonge ses racines. En effet, la « Côte Blonde » repose sur un substratum majoritairement constitué de gneiss. Par altération, ces roches ont donné naissance à des sols siliceux, de couleur claire, assez fréquemment recalcifiés par des apports issus de recouvrements loessiques du plateau. La « Côte Brune », quant à elle, repose sur un substratum constitué de micaschistes sur lequel, par altération, se sont développés des sols moins siliceux, plus argileux, et plus riches en fer et de couleur sombre. Les parcelles complantées, en mélange de plants, avec les cépages syrah N et viognier B se rencontrent plus fréquemment sur la « Côte Blonde » que sur la « Côte Brune ».
L’antériorité de ce vignoble préromain n’a d’égale que sa renommée attestée sous ce nom de « Côte Rôtie » au moins depuis le XVIIème siècle. La transmission des usages de culture de la vigne sur échalas et de sauvegarde de sols fragiles, issus de leucogneiss ou de micaschistes et de migmatite, par l’aménagement de terrasses ou de hauts murets a permis à ce vignoble de garder, depuis l’Antiquité, une physionomie particulière. Celle-ci, ainsi que le paysage associé, participe de sa notoriété légendaire construite notamment sur la dualité de la « Côte
Brune » et de la « Côte Blonde », liée à des contrastes dans les sols, la vinification et la structure des vins. En conservant la tradition de récolte manuelle des raisins, les vignerons de « Côte Rôtie » contribuent à préserver l’originalité et les caractéristiques de ce vignoble de coteaux.
L’exposition de ces coteaux brûlés par le soleil est probablement à l’origine du nom « Côte Rôtie ».
Source : INAO.
Voici le découpage des lieux-dits

